Assis sur votre tapis, juste avant le début du cours, vous est-il déjà arrivé de regarder autour de vous et d’apercevoir DEUX garçons, au milieu d’une horde de filles dans le studio ?
Etonnant, pour une pratique auparavant faite par et pour les hommes. Et dans laquelle à notre époque on trouve de temps en temps seulement un mec dans les cours ?
L’idée est de savoir pourquoi : est-ce la souplesse dont ils disent manquer qui les rebutent, la lenteur et l’immobilité présumées des cours. Ou justement le fait qu’il y ait principalement des femmes qui pratiquent qui les fait flipper ?
Voilà la question que je me pose et que j’ai également posée à des copains profs de yoga pour avoir leur opinion afin de m’éclaircir sur la chose !
Un peu d’histoire pour mieux comprendre
Revenons aux origines du yoga, en mode accéléré et très simplifié.
Il y a 3000 ans (aussi loin que les textes puissent nous permettre de nous dire ça) les yogis étaient des hommes, et uniquement des hommes.
Les premiers yogis
Ces Ascètes étaient en réalité complètement en marge de la société. Sales, vivants de la mendicité de sorte à obtenir leur grâces, ils rôdaient en dehors des villes comme des pestiférés. On est donc far far away du côté glam instagramable du beau yogi musclé et transpirant de nos jours devant un couché de soleil ou sous un palmier.
Anyway, leur but et leur engagement, à cette époque, étaient religieux uniquement. Et il n’y avait alors à cette époque de yogis que le nom puisque les postures n’existaient pas. C’était un mode de vie, marginale et particulièrement rude.
Nous retrouvons d’ailleurs ce type de personnages dans la Bhagavad Gîtā ou le Mahābhārata, partis faire voeux de suivi aux Dieux.
L’époque coloniale en Inde
Puis arrive la grande Époque Coloniale, dans laquelle le yoga marque un tournant. Toujours exclusivement masculin, c’est au niveau militaire qu’il fait son apparition puisque les Maharajas ont l’idée d’utiliser cette discipline déjà existante à des fins martiales afin d’être suffisamment aguerris pour affronter les britanniques. Pour ces mercenaires on parle alors d’une pratique ésotérique, religieuse mais également politique. Mais toujours pas sportive.
Peu de temps après c’est au tour de la Gymnastique Suédoise, importée par les anglais de faire son apparition en Inde. Déjà pratiquée par les femmes en Occident, pour sculpter leur corps, cette gymnastique fusionne et inspire le yoga moderne.
Le yoga moderne
Puis début 20ème siècle arrivent enfin, grâce à celui que nous appelons le Père du yoga moderne – Krishnamacharya- les poses debout. Auparavant le yoga se pratiquait majoritairement assis.
Et autre grande révolution, à peu près à cette même époque, l’inventeur de … la Salutation au Soleil –Sūryanamaskāra par Pattabhi Jois, fondateur de l’Ashtanga Yoga.
Indra Devi, disciple de Krishnamacharya en Inde, est cependant la 1ère personne à ouvrir un studio en Occident, en créant un studio de yoga en Californie en 1947.
Et Indra Devi est … une femme !!
Le yoga apparait donc aux US, avec une version occidentalisée (telle que nous la pratiquons encore aujourd’hui) mais surtout sous un visage féminin.
Promis je vous reparlerai d’elle, le personnage est tellement fascinant qu’elle mérite un article rien que pour elle 😉 #indradeviforever
D’autres personnages emblématiques font également leur apparition à ce moment-là, tel Iyengar, et ainsi le yoga devient de plus en plus physique, pour enfin dire « sportif ».
Le yoga devient également à ce même moment pour les occidentaux, une méthode de libération.
Mais alors, à quel moment ça dérape ?
Ben là, juste à ce moment-là. Ces gourous (= enseignants en sanskrit) ou maîtres de yoga ont l’articulation tellement caoutchouteuse et le muscle plus long que la moyenne, que ça commence à filer des complexes aux plus raides. Particulièrement aux mecs.
Par ailleurs rappelons, si nous l’avions oublié quelques instants, que notre société patriarcale, cultive la masculinité. En tout cas une image ou une vison de l’homme fort et viril dans la société. Et le yoga, version gymnastique girly ne leur parle pas trop, à juste titre.
Dans ce registre c’est davantage les sports collectifs, entre potes ou ceux qui donnent l’impression d’avoir tout donné, limite défibrillateur, qui stimulent cette hormone -toute légitime- de la puissance masculine à laquelle les hommes sont « formatés ».
Enfant, quand on me demandait ce que je faisais comme sport et que je répondais de la danse (à raison de 5 heures par semaine) les gens, et principalement les garçons me riaient au nez. Et me répétaient : « j’ai dit comme SPORT ? » Oui, aussi blonde que j’étais déjà à l’époque j’avais bien compris la question. En revanche j’ai compris également ici que les sports ou pratiques avaient vraisemblablement un sexe !!
Alors en quoi le fait de respirer en pleine conscience, d’enchaîner des postures dynamiques qui nécessitent force et concentration puis méditation pour se recentrer en font une pratique féminine ?
Bref, une parité dans le yoga est-elle envisageable ?
Off course, enfin moi j’y crois. Les codes changent, les frontières s’estompent et le yoga s’adapte davantage à une pratique masculine. Et les hommes s’adaptent de leur côté à trouver de l’apaisement et moins de compétitivité pour être plus en harmonie avec leur identité, plutôt que celle imposée par la société.
Les préjugés des hommes sur le yoga
Concrètement quand on demande aux hommes pourquoi ils ne pratiquent pas le yoga ce sont toujours les mêmes réponses récurrentes :
Préjugé n° 1- Celui qui gonfle tous les profs de yoga, mais comme nous ne sommes qu’amour et compassion, nous rassurons : « je ne suis pas souple, je n’arrive même pas à toucher mes pieds quand je me penche en avant ».
Et alors ? Qui a dit qu’un cours de yoga était un casting pour le Cirque du Soleil ?
La réponse générale à cette affirmation est : « tu sais respirer ? Alors tu peux faire du yoga ! »
Et toc !!
Préjugé n°2- « C’est trop lent, trop mou, il ne se passe rien pendant un cours de yoga à part rester assis et respirer de façon bizarre ».
Héhé, c’est pas faux mais c’est juste un aspect du yoga, ça baby !! Selon la méthode de yoga choisie tu risques d’y laisser un t-shirt mouillé, un tapis trempé, et d’y gagner un corps gainé, des muscles tout en longueur et un port de tête altier.
Bref, viens à un cours de yoga, selon tes besoins et tes envies, et promis tu vas suer comme au cross fit, sans avoir à sortir de ton tapis 😉
Préjugé n°3- « C’est un truc de gonzesses !!«
Ben ouais, force est de constater qu’à notre époque le yoga est principalement féminin. Egalement dans les studios, et dans les images véhiculées de la pratique. Mais si tu viens, et que tu viens avec tes copains, c’est une pratique (ou un sport si tu préfères) pour TOUT le monde.
Et finalement être entouré de nanas en legging c’est plutôt sympa, non ?!
Comment mettre les hommes au yoga alors ?
Il semblerait ainsi qu’un profond secret ait été caché pendant toutes ces années aux hommes : le yoga nécessite beaucoup de force !! Pas que. Mais c’est indispensable.
Alors pour certains quand ils réalisent qu’on peut faire des postures « impressionnantes », notamment les inversions au début c’est souvent ce qui les amène dans un studio de yoga. Ils viennent alors pour se dépasser et apprendre des trucs cools tout en se détendant.
Puis plus tard peut-être vient l’aspect bien-être, et avec chance celui de la respiration et la méditation.
Une pratique plus physique
Il faut aussi amener les hommes à une pratique plus physique, ne pas les amener directement à la flexibilité car ils vont stagner. Egalement leur donner des trucs qui vont pouvoir -éventuellement- booster leur égo. Même si il s’agit d’une pratique qui justement veut s’éloigner de la notion « négative » de l’égo, c’est une étape à faire, pour les accrocher.
Comme l’anecdote de ce prof, ancien boxeur professionnel qui m’a raconté s’être fait « fracassé » à son 1er cours de yoga (bikram). Son statut d’athlète a tellement mal vécu cette claque, que l’égo a pris le dessus. Trouvant anormal l’état dans lequel ce cours l’avait laissé, compte tenu de son corps de sportif de haut niveau, il a eu besoin de comprendre, s’y est mis assidûment. Et de fil en aiguille, est devenu prof de yoga !
Oui, le manque de souplesse peut faire peur en effet, et les images relayées par les réseaux sociaux sont peu rassurantes pour un apprenti yogi, en manque de flexibilité. Hors, plus on apprend à respirer et on pratique, plus on allonge le muscle et plus on gagne en flexibilité. D’ailleurs, à la fin d’un cours on se rapproche vertigineusement de ses orteils, but si loin et inatteignable en début de pratique.
Il semblerait que les hommes qui font du yoga, le font principalement de chez eux, en mode visio. Et ce, bien avant les confinements. Est-ce pour ne pas se frotter à la comparaison ? Ou par peur du syndrome de l’imposteur ? Encore une fois peu importe comment on y vient, si on se sent plus à l’aise pour commencer à la maison, seul, c’est toujours commencer le yoga.
Changer la façon de marketer le yoga
Le marketing est aujourd’hui -comme je le disais précédemment- axé sur l’aspect féminin et méditatif du yoga. Et ce principalement pour vendre du leggings féminin.
Ainsi, si la tendance changeait et évoluait vers un marketing plus orienté vers la valorisation et les vertus du yoga pour les hommes, alors le marché changerait.
Et toute la communication et l’influence avec.
Changer les images est donc primordial pour y mettre les garçons. Et également leur faire comprendre que la pratique est dure malgré le fait qu’elle semble n’être que méditation, donc immobilité.
En effet, pour ce même professeur, avec son antécédent de professionnel de la boxe, il lui est facile de faire venir des élèves hommes, aux cours. Leur dire de venir est une promesse qu’ils vont faire des trucs durs et qu’il va sacrément les faire suer.
Incorrigibles et naughty guys !!
Et enfin, s’éloigner une fois encore de ces réseaux sociaux, complexants, qui montrent des postures, tel le scorpion, qui sont faites juste pour faire flipper les novices !! Vous ne saurez probablement jamais le faire, et ça, n’a aucune espèce d’importance.
Alors, vous venez ?
Si je comprends bien les garçons, il vous faut une promesse comme quoi vous allez en ch* pendant le cours, que vous allez sortir en sueur, pour vous faire venir à un cours.
Ok … si c’est une façon de vous amener au yoga, pourquoi pas.
Mais sachez une chose, on sait pourquoi on déroule un tapis une première fois, même si c’est par curiosité ou le hasard. Mais la magie du yoga agit toujours et vous risqueriez d’y rester pour bien d’autres belles raisons.
Alors … see you on the mat boys !!
Delf
Liens clickables !!
Pour m’aider à y voir plus clair dans cette pratique masculine, j’ai demandé les avis de 4 yogis.
Tous aussi chou et bluffants les uns que les autres. Alors MERCI à David, Fred, Jerôme et Adriano.
Love U guys